2023 est une année chargée pour les marchés boursiers. Beaucoup de sujets s’entremêlent et pour l’investisseur particulier, il n’est pas toujours simple de s’y retrouver. Ces derniers mois, les marchés actions ont marqué une pause et les investisseurs sont nombreux à s'intérroger sur les anticipations et les grands évènements qui les attendent et qui auront des effets haussiers ou baissiers sur es marchés boursiers...
Les leviers haussiers
Depuis plus de trois mois, les marchés actions font du surplace. En France, le CAC 40 oscille autour des 7 300 points, sans réellement parvenir à les franchir durablement, à la hausse comme à la baisse. Cette relative stabilité est toutefois précaire et les investisseurs surveillent plusieurs dossiers chauds.
Dans ce contexte, quels sont les leviers haussiers pour les marchés actions?
Baisse de l’inflation et des taux
Une hausse rapide de l’inflation peut perturber les entreprises cotées en Bourse, en les forçant à augmenter leurs prix pour maintenir leurs profits. Lorsque l'inflation augmente, les banques centrales durcissent les conditions de crédit en provoquant une hausse des taux d'intérêt. Et cela impacte le marché obligataire : les nouvelles obligations offrent des taux plus élevés, dévaluant les anciennes. Si les taux montent rapidement, cela peut causer une chute brutale de la valeur des obligations. C’est ce à quoi nous assistons depuis bientôt deux ans.
Pour éviter de telles turbulences, les banques centrales réhaussent leurs taux. La hausse des rendements obligataires rend le coût du crédit plus cher pour les emprunteurs et offre un meilleur rendement aux investisseurs. Si le rendement des actions ne suit pas, la prime de risque diminue, poussant certains investisseurs à privilégier les obligations aux actions. Les entreprises cotées doivent alors offrir des dividendes plus conséquents pour attirer les investisseurs.
L'inflation augmente les coûts pour les entreprises. Si elles ne peuvent pas ajuster leurs prix en conséquence, leurs profits diminuent, impactant négativement leur valorisation en Bourse et leur capacité à augmenter les dividendes. Néanmoins, si l'inflation est bien gérée, avec une hausse graduelle des coûts, les entreprises peuvent ajuster leurs prix, maintenir leurs marges et offrir de meilleurs dividendes. Dans ce contexte, les entreprises faiblement endettées sont avantagées, car elles peuvent plus facilement augmenter leurs prix sans subir autant l'impact de la hausse des coûts du crédit.
Avec la pandémie et la guerre en Ukraine, l’inflation s’est envolée au niveau mondial, obligeant les banques centrales à réhausser fortement et rapidement leurs taux. Ces derniers mois, les investisseurs ont fait le pari que la fin de ce cycle de hausse des taux était proche. Ils attendent désormais que les banques centrales ne les réhaussent plus, voire les baissent en 2024. Chaque mois, les derniers chiffres d’inflation sont scrutés de près : la poursuite de leur baisse, déjà bien entamée aux États-Unis, est perçue comme un signal positif pour les marchés actions car annonciateur d’une pause dans le cycle de hausse des taux, avant, espèrent les investisseurs, un futur cycle de baisse.
Le 14 septembre, la BCE aurait relevé pour la dernière fois ses taux, après dix hausses consécutives. Le simple fait qu’elle sous-entende que ce cycle haussier était terminé a relancé la hausse des marchés actions européens. Désormais, la balle est dans le camp américain avec une réunion de la Fed, très attendue, les 19 et 20 septembre.
Source : YCharts
Plan de soutien économique en Chine
L’économie chinoise peine à redémarrer depuis la levée des restrictions sanitaires fin 2022. Son ralentissement est accentué par la récente crise immobilière mais aussi par la baisse de la consommation des ménages et des exportations, un taux de chômage élevé chez les jeunes et une activité industrielle en déclin. Pékin a pris quelques mesures pour stimuler son économie mais elles ne sont pas encore à la hauteur aux yeux du marché. L’annonce d’un plan massif de soutien constituerait un levier haussier pour les marchés actions au niveau mondial.
Après un sursaut initial de croissance post-pandémie, la performance économique de la Chine semble s'essouffler avec un PIB en hausse de seulement 0,8% au deuxième trimestre, loin des prévisions. Ainsi, l’objectif de croissance de 5% pour cette année, déjà modeste en comparaison des standards historiques chinois, pourrait ne pas être atteint.
En réponse à ce défi, le gouvernement chinois a lancé premier plan de relance visant à encourager la consommation. Bien que tous les détails n'aient pas été communiqués, ce plan soutiendra notamment la demande de logements, le secteur culturel, le tourisme, et la "consommation verte". Mais pour l’heure, l'économie chinoise souffre encore des retombées de la pandémie, avec un manque de confiance conduisant les ménages à épargner plutôt qu’à dépenser.
Pour donner un coup de pouce à l'économie, Pékin souhaite également faciliter l'accès au crédit pour les entreprises privées, actuellement hésitantes à investir ou embaucher. Les nouvelles mesures incluent notamment une hausse des montants des prêts. Un accent particulier est mis sur le secteur technologique, malgré une capitalisation boursière réduite de moitié en deux ans.
Bien qu’un potentiel plan de relance, bien plus ambitieux, soit attendu par les marchés, les mesures de Pékin pourraient seulement offrir un soulagement à court terme à l'économie. Sur le long terme, la Chine doit toujours faire face à des défis structurels majeurs, tels que sa démographie vieillissante et sa dépendance envers la demande mondiale.
Cessez-le-feu en Ukraine
La guerre en Ukraine engendre de sérieuses inquiétudes pour la bourse, alimentant les spéculations sur les meilleurs choix d'investissement selon l'évolution du conflit. Avec l'intensification des sanctions des grandes puissances occidentales à l'encontre de la Russie, les marchés mondiaux ressentent une forte pression, notamment sur les prix des matières premières.
La prolongation de la guerre sur plusieurs années accentuerait le ralentissement de la croissance économique mondiale, au profit de valeurs refuges comme l’or, le dollar américain et de certaines matières premières, notamment dans l’énergie.
Les économies mondiales devraient se redresser, et l'inflation, toujours élevée, devrait poursuivre sa décrue. Les actions européennes, étant les plus touchées par le conflit, bénéficieraient en premier lieu d'une telle trêve. Des séquelles demeureront, notamment avec des sanctions durables tant que Vladimir Poutine reste au pouvoir.
Les leviers baissiers
Hausse du pétrole, rebond de l’inflation
Depuis ses plus bas niveaux annuels atteints cet été, le prix du baril de Brent gagne 30% pour atteindre les 93$ au moment de la rédaction de cet article. Avec les restrictions de production consenties par l’Arabie saoudite et la Russie, l’Agence internationale de l’énergie (AIE) table sur un déficit significatif de pétrole au quatrième trimestre, de l’ordre d’un million de barils par jour (ou “mb/j”). De quoi accentuer la volatilité des marchés et les craintes que l’inflation rebondisse… Le cas échéant, le spectre de nouvelles hausses des taux devrait faire chuter les marchés actions.
Jusqu’à présent, les coupes de production du cartel pétrolier de l’OPEP+, mené par Riyad et Moscou, étaient en grande partie compensées par une offre croissante des producteurs non-membres de l’alliance, en particulier les États-Unis. L'Iran, sous sanctions, a aussi augmenté sa production. Cependant, dès septembre, la baisse d’offre de l'Arabie Saoudite créera un grand déficit d'approvisionnement selon l’AIE.
En août, elle anticipait un record historique de demande pétrolière, en hausse de 2,2 millions de barils par jour, pour totaliser 102,2 mb/j en 2023. Cette demande est stimulée par la consommation chinoise, l'aviation et la pétrochimie. Malgré un ralentissement prévu, cette tendance se prolongera en 2024. L'OPEP, dans son rapport, estime que la demande excédera l'offre de 3,3 millions de barils au quatrième trimestre, un phénomène inédit depuis 16 ans.
Suite aux coupes de production du cartel, les prix du pétrole ont grimpé, atteignant des sommets inédits depuis novembre 2022. L'AIE souligne que la tension sur les prix est exacerbée par des stocks faibles et estime que la demande dépassera l'offre de 1,2 million de barils/jour en moyenne au second semestre. Les réserves de pétrole resteront basses, même si la production du cartel devait augmenter début 2024.
Source : TradingView
Krach immobilier
La crise mondiale de 2008 trouve ses racines dans l'insolvabilité des ménages américains. C'est la "fameuse" crise des subprimes. Aujourd'hui, c'est avant tout le secteur immobilier chinois qui inquiète, avec les difficultés de deux géants locaux : Evergrand et Country Garden.
Country Garden, principalement actif dans les villes secondaires, emploie des dizaines de milliers de personnes. Réputée solide financièrement, la société n'a pas pu honorer deux remboursements d'intérêts en août. Si elle ne parvient pas à payer sous 30 jours, un défaut de paiement pourrait survenir en septembre. La dette du groupe, estimée entre 150 et 176 milliards d'euros, ajoute aux inquiétudes du marché, d'autant plus que l'entreprise a suspendu la cotation de plusieurs obligations.
Un effondrement de Country Garden serait dévastateur pour le système financier et l'économie chinoise, rappelant les problèmes d'Evergrande, dont la dette s'élève à plus de 300 milliards d'euros. Le boom immobilier en Chine, suite à la réforme du logement à la fin des années 1990, a vu l'endettement des promoteurs augmenter, devenant une préoccupation majeure pour le gouvernement. En réponse, Pékin a resserré les conditions d'accès au crédit pour les promoteurs depuis 2020, entraînant une série de défauts de paiement. Cette situation impacte la confiance des consommateurs et contribue au ralentissement économique en Chine.
Les cygnes noirs
Impossible de faire l’impasse sur les "cygnes noirs", ces événements imprévisibles et qui bouleversent les marchés financiers. Ces incidents majeurs, bien que rares, peuvent causer de graves perturbations. Quelques exemples : les attentats du 11 septembre 2001, la pandémie de Covid, la guerre en Ukraine.
Cette notion a été introduite par Nassim Nicholas Taleb, ancien trader et auteur du livre "Le Cygne noir : La puissance de l’imprévisible". Il s'inspire de la découverte d'un cygne noir en Australie au XIXème siècle, alors que tous les cygnes précédemment observés étaient blancs. Un cygne noir est caractérisé par son caractère inattendu, ses conséquences sévères et sa rareté.
L'impact des cygnes noirs sur les marchés est considérable. Par exemple, en mars 2020, les marchés ont connu un véritable krach, alors que le monde découvrait le Covid. Lors de tels événements, la volatilité des marchés augmente drastiquement, comme illustré par l'indice de la peur (le Vix) qui a atteint des sommets en mars 2020, une situation comparable à la crise de 2008.
Bien que les cygnes noirs soient par nature imprévisibles, leurs répercussions sur les marchés ne le sont pas. Les investisseurs peuvent adopter des stratégies pour atténuer les risques associés, comme se tourner vers des secteurs défensifs ou investir dans des valeurs refuges comme l'or, qui tend à se valoriser en période de crise.
Le grand ralentissement
Début le début de l'année, plusieurs économistes s'entendent sur l'anticipation d'un grand ralentissement. Les grandes banques centrales ont récemment exprimé leur difficulté à prévoir l'évolution économique, avec le directeur de la Bank of England affirmant que le processus de prévision était "cassé". Plusieurs facteurs rendent les prévisions économiques ardues :
• Les perturbations causées par le Covid-19 et la période post-Covid
• Les interventions massives des banques centrales après diverses crises
• Les multiples révolutions que traverse l'économie mondiale, allant de la démographie à la transition écologique
• Les tensions géopolitiques, comme la guerre en Ukraine et les relations entre la Chine et les États-Unis
L'arrêt économique dû au Covid a été suivi d'une intervention massive des banques centrales et des gouvernements pour soutenir l'économie, avec des taux négatifs, d'énormes liquidités et des plans de relance. Cela a conduit à une reprise économique impressionnante post-Covid, qui a surpassé les attentes.
Cependant, de nombreux prévisionnistes ont sous-estimé la puissance de cette reprise. Contrairement à la croyance populaire, cette résilience n'était pas due à des changements structurels mais plutôt à des facteurs conjoncturels, notamment la réponse économique au Covid. Les véritables changements structurels, comme les avancées en intelligence artificielle ou la transformation du travail, suggèrent un ralentissement économique à long terme.
Actuellement, l'élan de la reprise post-Covid s'estompe. L'effet des politiques monétaires et fiscales s'affaiblit, et le défi n'est plus de savoir comment l'économie va atterrir, mais plutôt comment elle pourrait redécoller. Les banques centrales sont limitées dans leurs interventions tant que l'inflation reste élevée, et les États sont lourdement endettés. L'avenir économique est donc incertain et les économistes tablent sur un “grand ralentissement”.
Autrement dit, un atterrissage en douceur de l’économie, sans véritable redécollage. Ce grand ralentissement, sauf nouvel évènement extraordinaire, pourrait durer de manière indéfinie...
DIEM Geoffrey
Conseiller en Gestion de Patrimoine
Cabinet Diem Conseil & Patrimoine
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